publié le / 11 mai 2018

catégories / petites parenthèses

06

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Les bras, les clavicules, le ventre, les cuisses. Comme une ritournelle, incessante, obsédante, pesante, morbide. Mortelle.

Précisément mesurer, tous les matins, tous les midis, tous les soirs, parfois un peu plus souvent, quand un miroir croisait son chemin, le contour des muscles qui n’y étaient déjà plus. Il fallait pouvoir entourer le bras entre le majeur et le pouce de l’autre main, il fallait sentir les clavicules, de leur début jusqu’à leur fin, il fallait qu’elles transpercent le tissu des t-shirts, il fallait qu’elles rappellent aux autres, les faibles, qu’elle, elle était capable de ne pas laisser sa chair prendre le dessus. Ses clavicules, comme garde-fou, comme rappel et puis, clavicule, elle avait toujours aimé ce mot.

Il fallait que le ventre soit plat – non, pas plat, creusé, lisse, rentré, enfoncé, concave, criant – affamé et pourtant déjà trop rempli, il fallait que les jeans tombent sur les hanches, il fallait ne plus pouvoir y pincer de peau, depuis qu’elle avait lu quelque part que c’était un idéal à rechercher, étrange affirmation qu’elle s’était pourtant empressée de ne jamais oublier – pas même aujourd’hui, alors que, comme on dit, elle s’en est sortie.

Il fallait que ses mains puissent entourer ses cuisses, et mieux, il fallait que ses mains puissent entourer ses cuisses en ayant encore de la marge, tous les jours un petit peu plus.

Alors tous les matins, tous les midis, tous les soirs, et parfois plus souvent, si un miroir lui renvoyait une image qu’elle ne reconnaissait pas, elle s’arrêtait, et elle mesurait. Inlassablement, pour se rassurer et une fois sa ritournelle achevée, elle reprenait le fil de ses pensées. Jusqu’au prochain miroir croisé, jusqu’au prochain repas avalé, jusqu’au prochain repas évité.

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