publié le / 26 août 2018

catégories / histoire

bribes.

bribes.

Je n’aurais pas pensé que parler de ce mois entre parenthèses aurait été si compliqué. Je n’aurais pas forcément pensé que j’allais remettre en question ce besoin d’écrire sur tout et sur n’importe quoi. Je pensais que les mots allaient glisser plus facilement, mais force est de constater que lorsque tout va bien, les mots restent bloqués*.

*je vous épargne le sans maux, pas de mots, parce que je me suis trouvée lamentable en écrivant ça.

(...)

Ça n’allait pas fort, avant de partir. Ça n’allait plus très fort depuis quelques temps et je voyais bien qu’autour de moi, on essayait de me relever, un peu en vain. Alors j’étais partie, parce que je sais bien faire ça, m’enfuir quand c’est trop difficile. J’avais pris mes billets d’avion sur un coup de tête, un mois à la maison, ça ne peut que me faire du bien. Un mois d’océan, un mois de maman avec qui jouer au Scrabble, un mois de papa avec qui jardiner sans parler. Un mois comme une parenthèse dans un quotidien que je ne gérais plus, un mois pour revoir ceux qui me manquent, tout le temps, un mois à vadrouiller tout en ayant un peu de travail auquel me raccrocher : cela me semblait bien, pour prendre du recul sur tout le reste.

C’était la première fois que je décidais de vraiment profiter de ce statut de freelance que j’ai (j’avais) (beaucoup de choses se sont passées dans ma vie ces dernières semaines) (vous n’avez qu’à me suivre sur Instagram & Twitter où je raconte décidément beaucoup trop ma vie) et que je mettais à profit cette petite phrase qu’on dit toujours, quand on cite les avantages d’être free : tu peux bosser de n’importe où.C’est très vrai, mais je n’en avais jamais profité (je crois que c’est difficile de se défaire d’une certaine routine, et si travailler de n’importe où ne me pose pas trop de problèmes, c’est surtout que j’ai besoin de ma routine sportive pour conserver mon équilibre) (et du coup me barrer un mois a tendance à me faire un peu peur parce que « mais comment je vais réussir à aller m’entrainer une fois par jour si je ne suis pas chez moi ») (spoiler alert : je n’ai pas réussi).

Sur ce mois de nomadisme reposaient pas mal de trucs relatifs à mon avenir ; autant vous dire que je partais avec un poids sur les épaules. Sans vous expliquer tout en détail parce que bon, il y a certaines choses que je préfère garder pour moi (et bien oui), toutes les sphères de ma vie étaient un peu bancales et ça devenait assez compliqué à vivre - pour moi et pour mon entourage, je crois. Vous savez, ces étranges moments où tout semble être déconnecté et où c’est impossible de concevoir qu’un équilibre va s’installer.

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Le matin, ma maman me laissait un petit mot - tout en ayant fait des efforts surhumains pour me sortir du lit avant 8h comme je lui demandais, en vain - avec quelques euros à côté pour que j’aille acheter le pain, pour me donner quelques indications sur ce que je trouverai en ouvrant le frigo (des yaourts au soja) (des yaourts au soja) (des yaourts au soja) (et du taboulé) (enfin, d’autres trucs aussi, mais je me demande si c’est vraiment très intéressant de vous dire qu’il avait de la moutarde, des cornichons, des olives et des coeurs de palmiers, aussi) et toute autre chose qu’une maman peut laisser sur un mot à sa fille avant de partir travailler. Le midi, mon papa rentrait boire son café, dix petites minutes de pause dans sa journée. Moi, je travaillais et je passais du temps à rêvasser, avant d'aller courir au bord de l'océan profitant de chaque bouffée d'oxygène que je pouvais récolter.

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Le bus de nuit pour aller à Paris, ce n’était pas vraiment l’idée la plus brillante de mes vacances, mais c'était si peu cher que j’ai oublié que la dernière fois j’avais dit « plus jamais ». Du coup, au petit matin, après avoir passé la nuit à côté d’un garçon en costard violet (aurais-je un jour cru prononcer ces mots, non, je ne crois pas), je suis arrivée à la capitale comme une petite touriste, avec trop de valises pour une seule personne et mon sourire de meuf qui a oublié que Paris, c’est plein de gens qui ne sourient pas dans le métro.

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Paris m’a fait du bien - même si Paris est plein de gens qui ne sourient pas dans le métro. J’oublie souvent à quel point j’ai aimé Paris, je crois, et si les derniers mois passés là bas lorsque j’y vivais étaient surtout ponctués de souhaits de m’enfuir dare-dare de cet endroit, je mesure maintenant la chance que j’ai eu de pouvoir y vivre - et la chance que j’ai maintenant de pouvoir y retourner à peu près quand bon me semble. Ce proverbe qui tourne en boucle sur Pinterest clamant que Paris is always a good idea est pas si faux.

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Au bout d’un peu plus d’un mois, il a fallu refaire la valise. J’ai oublié beaucoup de choses dans les tiroirs que maman avait vidés pour moi un mois auparavant. Acte manqué, probablement ; de toutes façons, je reviens bientôt.

On a pris la voiture très tôt ce matin là. On avait bu du vin, la veille, et mangé des pizzas. Les cheveux ébouriffés et les marques de l’oreiller sur la joue, on est arrivées à l’aéroport. J’étais triste et stressée, je voulais du café, je ne savais pas ce que je faisais ici alors que je savais déjà que quelques heures plus tard j’allais déjà me demander pourquoi j’avais encore quitté la maison, l’océan, et elles et eux, et puis le terminal de l'aéroport d'où part le vol vers Montréal est affreux et vide et restera toujours dans mon esprit comme l'endroit où j'aurais le plus pleuré.

(...)

Bien sûr que j’ai pleuré. Je n’ai jamais encore réussi à quitter tout le monde sans pleurer. J'ai commencé à pleurer quand je me suis rendu compte que maman avait oublié de me dire n'oublie pas la petite tape, parce que c'est quelque chose qu'on se dit, entre nous, parce que c'est une superstition qu'on a, entre nous, et je ne sais pas pourquoi, ça m'a donné encore plus envie de pleurer de savoir qu'elle avait oublié de me le dire, parce que quand on a envie de pleurer, on cherche sans doute n'importe quel prétexte pour se l'autoriser.

(...)

En arrivant chez moi, je me suis forcée à m'entourer de ce qui me faisait du bien. Je suis allée chercher une fougasse aux olives, j'ai vaporisé mes oreillers de fleur d'oranger, je me suis mise dans mon lit, sous mes six oreillers, et j'ai lancé Homeland en boucle. J'ai continué à pleurer et puis j'ai beaucoup dormi.

Le soir, on a bu des gin to, sur la terrasse. Ils m’ont fait rire, ils m’ont fait du bien. Et puis la vie a continué.

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